mercredi 3 décembre 2014

MICROASSURANCE ET VALEUR DE RACHAT DANS LA ZONE CIMA


Depuis l’année 2012, la Conférence Interafricaine des marchés d’assurance (CIMA), a aménagé dans les textes qui régissent l’industrie des assurances, des dispositions qui encadrent la pratique de la microassurance.
La CIMA faut-il le rappeler est un espace africain qui unit tous ses membres par le lien d’une législation commune en ce qui concerne la pratique des assurances. Les pays de cet espace sont ; Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo, Madagascar.
Ces nouvelles dispositions arrivent à un moment où au niveau mondial, la microassurance connait diverses fortunes, mais demeure un élément clé dans les politiques d’inclusion financière des populations. L’Afrique, à ce titre, et la zone CIMA en particulier, qui revêt une grande partie des pays pauvres du continent et des économies moins dynamiques, doit pouvoir se doter d’outils capables d’accompagner cet objectif. Selon le rapport 2012 de la CIMA, le taux de pénétration de la zone se situe à 1% contre 14,2% en Afrique du sud, 8,0% en Namibie, 5,9% en Ile Maurice, 3,1% au Kenya, 0,7% en Algérie, 3% au Maroc, 8,9% en France et 6,5% dans le monde.
En se dotant d’un cadre règlementaire sur la microassurance, la CIMA marque un regard d’importance sur la question et apporte certainement, sa réponse à la problématique d’inclusion financière des populations. En attendant d’avoir le retour du marché dans l’application de ces textes, nous pouvons jeter un regard sur la nouvelle architecture du droit de la microassurance qui nous est présentée par le régulateur.
De prime à bord,  il faut noter l’ouverture que le législateur CIMA fait à toutes les catégories de populations, notamment celles qui ne peuvent que s’exprimer dans les langues africaines. En effet, l’article 701 dispose que le contrat de microassurance peut être traduit et commercialisé dans la langue locale de la population cible. Cette disposition largement inclusive, participe à la promotion de l’assurance auprès des populations. Toujours à l’actif de ce même article, il est à relever le fait que le microassureur ne porte pas l’obligation d’envoi de lettre recommandé à l‘assuré ou au souscripteur contrairement à l’assureur. Cette disposition qui est levée pour le microassureur, reste cependant un frein dans le cadre des dispositions légales pour l’assureur. En effet, le coût que comporte l’entretien d’une boite postale pour les populations en plus du très faible taux de personnes ayant des boites postales actives, rend la tâche particulièrement difficile aux assureurs. L’avancée des technologies de l’information peut suppléer à cette disposition pour tenir compte de l’évolution du temps.
La microassurance tout comme l’assurance a été différenciée entre les branches vie et non vie. La branche vie de la micro présente des modifications importantes dans le nouveau dispositif. Deux articles retiennent particulièrement notre attention; les articles 702 et 703. L’article 702 énonce : « …Pour les assurances sur la vie et de capitalisation, l’assureur ne peut refuser la réduction ou le rachat lorsque 15% des primes ou cotisations prévues au contrat ont été versées. En tout état de cause, le droit à rachat est acquis lorsqu’au moins une prime annuelle a été payée…. ».
L’article 703 est ainsi libellé: « La valeur de rachat ne peut être inférieure à la somme des cotisations versées par l’assuré. Pour les contrats mixtes, les cotisations nettes de taxes versées s’entendent celles relatives à la garantie vie. »
De ces deux dispositions l’on retient que dans le cadre de la micro, la valeur de rachat est acquise au bout d’une année et ne peut être inférieure au cumul des cotisations versées.
Toujours en juxtaposant ces articles, il se posera pour les microasureurs les problèmes liés au niveau des chargements de gestion à prélever sur les cotisations et celui de la performance des placements financiers.
En prenant en compte le taux d’intérêt maximum à garantir que fixe la CIMA, 3,5% l’an, on est tout de suite tenté de poser l’équation qui égalise le cumul des cotisations avec la valeur de rachat. Le tableau ci-dessous présente pour chaque niveau de taux d’intérêt les chargements à prélever sur la cotisation:

Taux d'intérêt annuel
Chargements sur prime
0,5%
0,270%
0,75%
0,404%
1%
0,538%
1,50%
0,804%
2%
1,069%
2,50%
1,331%
3,00%
1,592%
3,50%
1,851%

En garantissant 3,5% de taux d’intérêt l’an l’assureur aura le maximum de chargements à prélever sur les cotisations.
En tout état de cause, les modèles d’assurance connus se font avec un minimum de frais prélevés. On imagine certainement pas les microassureurs ne rien prélever sur les cotisations des clients assurés, quand on a déjà une idée des coûts (technologiques, management, etc.) que l’activité de gestion de contrats d’assurance engendre.
D’une manière générale, les contrats d’épargne dans l’assurance classique ont des chargements qui oscillent entre 10 à 15% l’an. En analysant les chiffres des assureurs vie, l’on note que les frais prélevés pour tous les types de contrats représentent en moyenne 27% des primes entre 2010 et 2012 dans la zone CIMA. En comparant ces taux avec le maximum que pourra prélever le microassureur sur les produits épargne, on se rend bien compte qu’il va falloir déployer une stratégie particulière pour les contrats épargne à moins que les microassureurs délaissent totalement ce segment de marché au profit des produits de couverture décès. L’on en vient à se demander l’objectif visé par le législateur par rapport au rôle que l’on attribue aux produits d’épargne dans une vision d’inclusion financière totale, qui prend en compte l’accès des populations à faibles revenus dans à l’assurance, mais également la place que le microassureur pourra avoir comme ’’micro investisseur institutionnel’’. Si la réponse se situe dans la quête du volume d’assurés pour assurer un certain équilibre et la rentabilité du business, il n’est pas à ignorer que le volume s’obtient en finançant des actions bien souvent à grands frais, ce qui va nécessiter de faire supporter les coûts d’acquisition aux assurés sur leurs cotisations.


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